How to enable a fairer economic recovery from Covid in Africa (in French)
SAUVER LES PETITES ENTREPRISES D’AFRIQUE POUR SAUVER DES VIES
Le Covid-19 a frappé de manière disproportionnée les plus vulnérables, et ce de manière encore plus aiguë dans les pays les plus pauvres. Selon DFID (l’agence de développement du Royaume-Uni), 70 millions de personnes pourraient basculer dans l'extrême pauvreté en Afrique subsaharienne. Des mesures pour atténuer l'impact économique de la pandémie ont été mises en place dans de nombreux pays, mais elles sont soit insuffisantes soit trop lentes à être déployées. Cela se révèle particulièrement vrai en Afrique, où la crise a gravement touché les petites entreprises. Si nous nous soucions de notre avenir collectif, nous devons agir plus vite pour atténuer l'impact de la pandémie en Afrique, comme ailleurs. Il est grand temps d’œuvrer pour une relance mondiale qui bénéficie à tous, et protège les plus pauvres.
Depuis la mi-mars, GSG Impact avec ses membres au Ghana, au Nigeria, au Kenya, en Zambie et en Afrique du Sud évalue en temps réel les besoins des organisations à but non lucratif, des entreprises et des investisseurs confrontés aux effets de la crise. Grâce à ce travail, nous avons identifié des solutions et des domaines dans lesquels les investissements peuvent avoir des effets transformateurs et permettre une relance plus juste.
Les petites entreprises sont le poumon des économies africaines
Au-delà du défi posé à des systèmes de santé fragiles et précaires, et du risque majeur pour la sécurité alimentaire, l'Afrique est entrée dans sa pire crise économique de ces 25 dernières années. Les micro-, petites et moyennes entreprises (PME) représentent 90 % des entreprises et 80 % des emplois sur le continent, mais elles peinent à se maintenir à flot. La plupart des PME n'ont pas plus d’un ou deux mois de trésorerie, et ces réserves s’amenuisent de jour en jour. Certaines estimations indiquent que 40 % d'entre elles pourraient faire faillite dans les prochains mois si rien n'est fait pour les sauver. A cela s’ajoute la chute des investissements direct étrangers sur l’ensemble du continent : la valeur totale des investissements dans de nouveaux projets en Afrique au cours des trois premiers mois de 2020 a chuté de 58% par rapport à 2019, selon la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement.
L'arrêt brutal du tourisme, la diminution des échanges commerciaux et la chute des prix des matières premières conduisent les entreprises à la faillite dans plusieurs secteurs, mettant en danger les moyens de subsistance de millions de personnes. Des chauffeurs de taxi, aux agriculteurs, en passant par les travailleurs de la construction, des millions de travailleurs précaires sont menacés. Leurs revenus dépendent de travaux journaliers, de travail occasionnel, de l'agriculture ou d’autoentrepreneuriat.
"La plupart d'entre eux n'ont aucune protection sociale, d'assurance chômage, d'assurance maladie, ni de congés maladie payés. Cela signifie que les pertes d'emplois et les réductions de revenus frapperont plus durement leurs familles", explique Paul Gubbins, de FSD Kenya. Les filets de sécurité informels disparaissent également : 11 milliards de dollars de transferts de fonds venant de la diaspora se sont évaporés depuis le début de l’année.
Environ 20 millions d'emplois sont menacés par la crise liée au Covid-19 en Afrique. En Afrique du Sud, 60 % des PME envisagent de licencier ou ont déjà licencié des employé, à tel point que le Président Cyril Ramaphosa s’est inquiété de l’ampleur des pertes d'emplois. Malheureusement, le ralentissement de la croissance économique et de la productivité s'accompagne d'un ralentissement des principaux facteurs qui permettent aux populations de sortir de la pauvreté.
Il est probable que ces chiffres terrifiants ne tiennent pas compte de toutes les pertes d'emplois. En effet dans la plupart des pays africains, l’économie informelle emploie plus de la moitié de la population.
Bien sûr, les gouvernements africains ont pris des mesures proactives. Par exemples, de nombreux pays envisagent ou mettent déjà en œuvre des transferts d'argent direct aux plus vulnérables, comme au Kenya ou au Togo. Dans chaque pays, des entreprises locales et des philanthropes se sont impliqués pour aider à faire face à la crise, en aidant les entreprises à se mettre à fabriquer des masques, à la coordination de livraison de nourriture pour les infirmières, en passant par le financement des fonds d’urgence publics. Les pays Africains ne s’attendent pas à ce que d’autres les renflouent, mais ont accueilli favorablement les importants programmes d’aide internationale, ou les mesures d'allégement de la dette du FMI.
L’investissement à impact est un outil indispensable de relance pour les entreprises africaines
Etant donné l'ampleur des défis auxquels ils sont confrontés avec des ressources incroyablement limitées, nous devons, et nous pouvons, tout faire pour soutenir les pays africains. Le moment est venu de construire le « monde d’après », et des économies qui soient réellement inclusives, justes et résilientes face aux chocs futurs.
Les agences de développement et autres institutions de financement du développement reconnaissent elles-mêmes l’urgence d’agir. "Nous devons faire mieux et plus vite", déclare Jonathan Charles, de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), dans un webinaire organisé par Dalberg.
À cette fin, et en plus d'autres mesures, au GSG Impact nous pensons que les investissements à impact peuvent fournir des outils pertinents et puissants pour aider à la relance des entreprises africaines.
Tout d'abord, il s’agit de soutenir les institutions de microfinance (IMF). À l'heure actuelle, la plupart des aides fournies par les institutions de développement vont à leur portefeuille d’investissements existants. Cela signifie que ce sont principalement les institutions gouvernementales, les grandes entreprises ou les institutions financières traditionnelles qui en bénéficient. Cependant, la plupart ne prêtent pas aux PME, car celles-ci sont en dehors de leur profil de risque habituel.
Alors, qui va soutenir les PME?
Les banques ne les soutiennent pas. En effet, seules 20 % des PME africaines bénéficient d'un financement bancaire. Les IMF sont parmi les rares à combler ce déficit, qui représenterait pourtant un vaste marché pour les banques. Cependant, "il semble probable que sans un soutien substantiel et une action concertée, de nombreuses IMF soient aussi menacées par la crise", déclare Greta Bull, PDG de CGAP.
Les IMF sont peut-être les meilleures alliées pour soutenir les PME et la reprise des économies africaines. Mais elles auront, elles aussi, besoin de soutien. Pour cela, il est essentiel de les inclure dans tous les programmes nationaux d’appui aux opérateurs du secteur financier. Cela n'a pas été le cas jusqu'à présent. Les IMF auraient également besoin de liquidités supplémentaires et d’une révision de leurs propres conditions financières. C'est là que les investisseurs à impact peuvent apporter leur aide.
Les investissements à impact sont également essentiels pour créer des fonds d'urgence pour les PME. "Cette crise de liquidité pour les PME peut devenir une crise de solvabilité. Mais il est possible d’inverser la tendance. Nous savons comment renforcer la résilience des PME grâce à l'investissement à impact", déclare Laurie Spengler, fondatrice et dirigeante de Courageous Capital Advisors. Elle travaille avec le Collaborative for Frontier Finance et Investisseurs & Partenaires (un investisseur à impact français présent en Afrique) pour lancer très prochainement un fonds d’urgence pour les PME. Ce fonds de $150 millions de dollars US (cible) aura une structure de fonds de fonds et offrira de la dette à taux faible aux institutions financières non-bancaires locales et aux intermédiaires financiers en Afrique subsaharienne.
De même, la Fondation Mastercard a lancé début avril un fonds de $15 millions de dollars US pour les PME au Ghana en partenariat avec le gouvernement. D'autres investisseurs à impact tels que Yunus Social Business, Open Road Alliance, Kiva, Calvert Impact Capital ou Equalife, sont en train de monter des fonds d'urgence similaires, ciblant directement les PME. Il est maintenant impératif que les institutions de financement du développement et autres investisseurs à impact se regroupent autour de ces initiatives pour assurer une réponse à la hauteur des besoins des PMEs africaines et de l’urgence de les sauver.
Le contexte actuel nous pousse également à accélérer la conception d’autres fonds à impact. Sous l'impulsion des Comités Consultatifs Nationaux (GSG National Partners) du GSG Impact, plusieurs pays tels que le Ghana, la Zambie et l'Afrique du Sud, ont étudié la possibilité de mettre en place des fonds à impact pour soutenir la reprise économique. Au Ghana, sous la direction du National Partner, deux nouveaux fonds pour les PME soutenus par la Banque Mondiale pourraient être réaffectés à la relance post Covid-19. Le National Partner sud-africain a récemment contribué au lancement d'un fonds de paiement au résultat de 25 millions de dollars US pour les PME à fort impact et est en train de concevoir d'autres véhicules d’investissement à impact. Au Nigeria, le groupe de travail qui formera le Natioal Partner explore l'utilisation des actifs dormants des banques et assureurs pour lancer une banque d’investissement à impact, sur le modèle du Big Society Capital au Royaume-Uni.
Tous ces exemples montrent comment le secteur privé peut être un partenaire pour aider les gouvernements nationaux à planifier une reprise économique juste et durable.
Les partenariats et les collaborations seront essentiels
Malgré les contraintes opérationnelles accrues pour de nombreux investisseurs à impact (exposition aux devises, risque accru, faible prévisibilité, etc.), les acteurs du secteur ont déjà commencé à travailler ensemble sur des solutions. Jusqu'à présent, les institutions de financement du développement ont été lentes à joindre le geste à la parole. Néanmoins leurs interventions sont nécessaires pour accélérer le rythme et l'ampleur de la réponse, étant donné la course contre la montre à laquelle se livrent les PME africaines. Le GSG Impact travaille déjà avec ses Comités Consultatifs Nationaux (National Partner) en Afrique ainsi qu'avec les gouvernements, les organisations multilatérales, les philanthropes, les entrepreneurs et les chefs d'entreprise du monde entier. Le besoin immédiat repose sur des investissements et des décaissements plus rapides et plus efficaces pour soutenir les PME en Afrique. Et dans les mois qui viennent, investir dans les solutions pour une relance plus juste, apportera une aide indispensable pour continuer à lutter contre la pauvreté.
Nous devons faire de cette crise un tournant vers des économies plus inclusives et plus efficaces. C’est notre responsabilité collective.
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Notes aux rédacteurs
À propos du GSG Impact
GSG Impact est une organisation indépendante dont la mission est un changement systémique, où chaque investissement crée un impact social positif et protège notre planète. GSG Impact compte actuellement 32 pays, plus l'UE, parmi ses membres par l'intermédiaire de leurs comités consultatifs nationaux (GSG National Partners). GSG Impact rassemble des dirigeants du monde de la finance, des affaires, de la philanthropie et du développement. GSG Impact est enregistré en tant qu'organisation caritative auprès de la Charity Commission for England and Wales (n° 1175658).
À propos des Comités Consultatifs Nationaux ( GSG National Partner) en Afrique
Un National Partner est une plate-forme nationale représentant un ensemble de parties prenantes nécessaires pour réorienter les flux de capitaux vers la création d'impact social et environnemental. Géré par le secteur privé, mais en partenariat étroit avec le gouvernement national, un National Partner sensibilise les acteurs économiques, produit des analyses et des données, travaille à de nouvelles politiques publiques, et mobilise des ressources financières supplémentaires pour le bien public. En bref : un National Partner est l'infrastructure qui permet d'accélérer le changement dans un pays.
Ghana
Le Comité Consultatif National Partner du Ghana a travaillé avec les acteurs du secteur privé pour encourager le déploiement de plus de capital à impact dans la réponse à la crise. Par exemple, les membres du National Partner ont soutenu un fonds du secteur privé de 100 millions de Cedis (17 millions de dollars US) pour soutenir la relance. A ce jour, le fonds a déjà permis la construction de la première installation d'isolement et de traitement des maladies infectieuses au Ghana. En outre, le GSG National Partner, en collaboration avec ses membres et d’autres parties prenantes, conçoit divers programmes pour aider les PME à faire face à l'urgence et à se remettre à flots. Le gouvernement a également mis en place un fonds de 600 millions de Cedis (104 millions de dollars US) pour soutenir les micro- et petites entreprises, en plus de certains allégements fiscaux pour toutes les entreprises.
Zambie
GSG Impact propose l’investissement à impact comme solution face à l’urgence et pour lutter contre la crise, grâce à des outils tels que les mécanismes de paiement au résultat pour des initiatives de santé, d'éducation ou de création d'emplois. Le Comité Consultatif National de Zambie travaille avec la Banque Centrale de Zambie sur la structuration d’un fonds de 10 milliards de Kwacha (547 millions de dollars US), principalement destinés aux PME des industries les plus touchées. Cela contribuera à stimuler la relance économique dans le pays et les investissements pour atteindre les objectifs du développement durable (ODD).
L'Afrique du Sud
GSG Impact rassemble également le mouvement des investissements à impact afin de partager les bonnes pratiques et les savoir-faire. En Afrique du Sud, le Comité Consultatif (GSG National Partner) a rédigé à la demande du Président un document d'orientation recommandant des interventions axées sur l’impact. Après avoir lancé un fonds de paiement aux résultats de 25 millions de dollars US pour les entreprises vertes, le National Partner s'est également engagé avec les Nations Unies à lever 2,5 milliards de dollars US pour soutenir le fonds de solidarité du gouvernement.